À Propos

Les travailleurs agricoles migrants du sud-ouest de l’Ontario, Canada, pendant la pandémie de COVID-19: La mobilisation sociale peut-elle servir de levier pour l’élaboration des politiques?

Depuis plus de 50 ans, l’agriculture canadienne repose sur des travailleurs migrants originaires de pays tels que le Mexique et la Jamaïque pour effectuer le travail manuel difficile et mal rémunéré nécessaire pour soutenir les secteurs agricoles intensifs en main-d’œuvre. En 2022, il y avait près de 65 000 travailleurs agricoles migrants employ és au Canada, dont environ 30 000 en Ontario. Au début de la pandémie de COVID-19, les travailleurs agricoles migrants en Ontario étaient au moins 10 fois plus susceptibles de contracter le virus que les résidents, et de nombreux travailleurs sont décédés lors des différentes vagues, parmi les plus jeunes décès de la province. Ces graves circonstances ont stimulé la mobilisation sociale et l’activisme des groupes de soutien aux travailleurs migrants et de leurs alliés, qui ont travaillé pour répondre aux besoins pratiques des travailleurs (par exemple, la sécurité alimentaire), tout en engageant simultanément des actions politiques directes à tous les niveaux de gouvernement pour exiger des changements dans les politiques afin d’augmenter l’accès aux services de santé, d’améliorer le logement des travailleurs et de réformer le système d’immigration pour fournir à tous les travailleurs un “statut pour tous”.

Notre recherche en Ontario examine les interactions entre l’élaboration des politiques municipales, provinciales et nationales et la mobilisation politique par et autour des travailleurs agricoles migrants racialisés qui ont vécu la pandémie de COVID-19 dans des conditions sociales, professionnelles et sanitaires disproportionnellement préjudiciables. À cette fin, nous adoptons une approche méthodologique mixte comprenant des entretiens avec des activistes et des défenseurs soutenant les travailleurs migrants, ainsi que des décideurs et autres parties prenantes clés. Nous avons créé une chronologie politique détaillée à partager avec les participants. Nous compilons également des revues médiatiques et historiques complètes des sources couvrant les politiques clés liées à l’activisme pour découvrir si et comment certains efforts ont influencé les changements politiques et quelles alternatives ont émergé. En nous basant sur la théorie critique de l’économie politique (par exemple, Gramsci), nous privilégions les questions de pouvoir, d’éthique et de justice dans notre analyse des structures et relations historiques et contemporaines qui constituent – et peuvent potentiellement transformer – l’ordre mondial. Nous utilisons une approche décoloniale et engageons des logiques alternatives pour réfléchir à la démocratie, à la connaissance, à la lutte et à la résistance avec des idées et des perspectives provenant du Sud Global (par exemple, Freire). Pour conceptualiser et critiquer les dynamiques de pouvoir et le racisme structurel auxquels sont confrontés les travailleurs agricoles migrants, nous nous appuyons sur la théorie critique de la race (par exemple, Robinson). Nos résultats préliminaires révèlent que la plupart des activistes et défenseurs ont identifié l’appel à un “statut pour tous” (à l’arrivée) comme la demande politique primordiale.

L’étude de cas de Montréal retrace l’historique du programme CoVivre, une initiative qui visait, dès le départ, à établir des liens entre le secteur universitaire, les organismes communautaires et les fondations philanthropiques pour agir auprès des populations les plus vulnérables de Montréal lors de la pandémie de COVID-19. Agissant comme facilitateur et catalyseur de l’action, le programme CoVivre a utilisé une approche axée sur la réduction des inégalités en matière de santé en reliant les données de recherche à l’action concertée (Bolduc et al., 2022).

La chercheuse principale de l’étude de cas montréalaise, Laurence Monnais, a été appelée à intervenir d’abord et avant tout comme actrice de ce programme, en contribuant aux réflexions et aux actions concernant l’hésitation vaccinale. L’étude de cas montréalaise a ainsi trouvé son impulsion dans l’action, et le projet de recherche n’a été mis en place que dans un deuxième temps. La perspective actionnelle précédant la phase de recherche de l’étude a permis d’adopter une « posture méthodologique éthique “ en établissant au préalable des ” conditions de réciprocité » avec les communautés étudiées (Fauvel et Yoon, 2018).

D’un point de vue méthodologique, le projet est basé sur une analyse des archives et des notes ethnographiques collectées pendant la mise en œuvre de la CoVivre et sur une série d’entretiens semi-structurés avec des activistes, des décideurs politiques et des acteurs clés directement impliqués dans la coordination quotidienne de CoVivre et des partenariats du projet.

Les résultats de la recherche, co-construits et produits à partir de l’action, contribueront à prévenir la méconnaissance de l’efficacité des initiatives de terrain à partir du niveau « très local » et au-delà de l’État et à réfléchir sur les rôles des organisations et collectifs communautaires dans l’élaboration de d’intervention en santé publique.

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